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Rue des femmes #7 Marie-Claude Vaillant-Couturier (1912-1996)

Elle est une des très grandes figures de la Résistance et de la mémoire de la déportation. Députée communiste au Parlement, de 1962 à 1973, elle a représenté notre circonscription. Au Kremlin-Bicêtre, la halte-garderie de la rue de la Danton porte son nom.

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Marie-Claude Vogel naît à Paris en 1912 au sein d’une famille de la bourgeoisie intellectuelle. Son père, Lucien Vogel, est éditeur et lancera le magazine Vu en 1928 et son oncle maternel, Jean de Brunhoff, est le créateur du personnage de Babar.

Une pionnière du photo-journalisme

Après des études, elle part en Allemagne et y apprend à en maîtriser la langue. Devenue reporter-photographe rattachée à l’équipe de Vu, elle y enquête sur la montée du nazisme. On lui doit, dès 1933, certains des premiers clichés des camps d’internement de Dachau et Oranienburg. Parallèlement, elle débute une liaison avec Paul Vaillant-Couturier, député-maire communiste de Villejuif et rédacteur en chef de L’Humanité, très lié aux milieux intellectuels de l’époque. De vingt ans sa cadette, elle l’épouse fin septembre 1937, mais il décède brutalement 10 jours plus tard. Elle en gardera toujours le patronyme. Signant ses reportages « Marivo », elle travaille notamment au service photos de L’Humanité ou pour la revue Regards pour laquelle, à partir de 1937, elle enquête sur l’URSS et la Guerre d’Espagne.


Résistance et déportation


Avec le Pacte germano-soviétique d’août 1939 et la Guerre, L’Humanité est suspendue. Avant même l’entrée en guerre de l’URSS, en juin 1941, elle plonge dans l’activité militante clandestine, notamment au sein du groupe résistant constitué autour du philosophe communiste Georges Politzer. Elle y est agent de liaison, transportant parfois des explosifs. Avec Danielle Casanova, qu’elle avait connue avant-guerre, elle prend une part active à l’édition de L’Humanité clandestine. Victime d’une « souricière », elle est arrêtée par la police française aux ordres de Vichy le 9 février 1942. D’abord détenue à la Santé, elle est transférée à l’été au fort de Romainville, où elle retrouve sa camarade Danielle. Le 23 janvier 1943, elles sont déportées à Auschwitz par le convoi composé de 230 résistantes communistes, gaullistes et épouses de résistants. Seules 49 survivront… Sa maîtrise de l’allemand lui permet de comprendre les ordres des gardiennes du camp et prodiguer des conseils de survie à ses camarades les plus épuisées. Elle fait entrer Danielle Casanova, de venue dentiste du camp, à l’infirmerie où elle travaille. Le typhus les frappe. Marie-Claude y survivra, mais pas Danielle, qu’elle assistera jusque dans ses derniers instants. Transférée en août 1944 au camp de Ravensbrück, elle y côtoie Geneviève Anthonioz-de Gaulle et, avec une autre déportée médecin, secoure les survivants après la libération du camp par l’Armée Rouge jusqu’à leur rapatriement.


Témoin pour l’Histoire, militante de la mémoire


Rentrée en France fin juin 1945, elle retrouve Pierre Villon (Roger Ginsburger), son compagnon depuis 1939, l’un des rédacteurs du programme du Conseil national de la Résistance. Elle l’épousera en 1949. Élue députée de la Seine aux deux Assemblées constituantes, puis à l’Assemblée nationale, hormis la période 1958-1962, elle le restera jusqu’en 1973 comme représentante de notre circonscription composée à l’époque des villes de Villejuif, Arcueil, Cachan et Le Kremlin-Bicêtre. Elle y mènera notamment le combat pour l’égalité salariale des femmes. En 1946, au procès de Nuremberg, son témoignage marque les esprits. « En racontant les souffrances de ceux qui ne pouvaient plus parler, j’avais le sentiment que, par ma bouche, ceux qu’ils avaient torturés, exterminés, accusaient leurs bourreaux ». Marchant vers les criminels nazis, à la stupéfaction de la salle, elle se plante devant eux pour les regarder droit dans les yeux : « Regardez-moi bien, car à travers mes yeux, des milliers d’yeux vous regardent et par ma bouche, des milliers de voix vous accusent ! » Elle soulignera plus tard combien la définition du « crime contre l’humanité » était « un progrès pour la conscience humaine ». Membre dirigeante de la Fédération nationale des déportes internés et résistants depuis sa création en 1945, elle est une des premières figures de l’amicale d’Auschwitz. Jusqu’à son décès en 1996, elle sera une infatigable militante de cette imprescriptible mémoire et témoignera en 1987 au procès de Klaus Barbie à Lyon.

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