Tribune

Tribune de rentrée à l’initiative de l’association Villes & banlieues

A l’occasion du prochain Comité interministériel des Villes prévu le 9 octobre prochain, plus d’une soixantaine de maires, dont le Maire Jean-Luc Laurent, et représentants d’EPCI interpellent le Gouvernement dans ces premières semaines de rentrée.

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L’été touche à sa fin. En cette rentrée, le souvenir des derniers jours de juin reste prégnant. Les traces des dégradations, à la suite des émeutes urbaines, restent encore visibles et les habitants profondément marqués. Cette séquence les aura vus être stigmatisés, et comme trop souvent, les quartiers prioritaires auront fait l’objet de discours simplistes.

Il faut le dire clairement : les violences urbaines de ce début d’été ont sidéré à juste titre. La jeunesse d’une bonne partie des émeutiers, notamment, doit être regardée en face. Cependant, les amalgames ont hélas fusé, mêlant les sujets – en partie légitimes par ailleurs – de trafic de stupéfiants, de parentalité ou de sentiment d’appartenance. La politique de la ville a été clouée au pilori, accusée d’échec alors même que les réussites individuelles et collectives issues de nos quartiers populaires sont nombreuses.

Nous, élus de banlieues, de petites villes, de grandes villes et de métropoles, sommes cependant bien placés pour le savoir : la plupart des facteurs nourrissant le malaise sont toujours là, et les braises rougeoient encore. Nous avons du reste alerté depuis plusieurs années quant à la désespérance sociale observée sur nos territoires.

Une nouvelle secrétaire d’Etat à la politique de la ville est en poste et a enclenché un dialogue avec les associations d’élus, un temps d’écoute que nous saluons, un Conseil Interministériel à la Ville devrait avoir lieu le 9 octobre, un Conseil National de la Refondation dédié aux émeutes urbaines est annoncé, et la cohésion sociale figure en bonne place à l’agenda politique, d’après le compte rendu des « Rencontres de Saint-Denis ». Le moment nous paraît donc opportun pour redire notre ouverture au dialogue, autour de plusieurs principes et pistes de travail.

Nos collectivités ont besoin d’une méthode ordonnée, s’appuyant sur les territoires, en lieu et place du surplomb qui fait abstraction des réalités observées sur le terrain.

Nous croyons aux vertus de l’échange permanent entre échelons local et national. Le décloisonnement des politiques publiques s’avère crucial pour optimiser les ressources qui sont les nôtres, de même que la délégation de crédits de l’Etat aux collectivités, pour une action publique au plus près des citoyens.

Nous voulons aussi rappeler ici que nos quartiers ont droit, plus que jamais, à des services publics de même niveau que sur le reste du territoire national. A l’heure actuelle, nombre de nos quartiers sont sous-dotés en enseignants, en magistrats et en policiers.

Il est nécessaire que l’Etat soit au rendez-vous du moment de fracturation extrêmement grave que connaît notre pays. Les maux observés dans les quartiers dits prioritaires le sont en réalité dans le pays tout entier, y compris dans les zones rurales : sentiment de déshérence, sensation d’être laissés pourcompte, perte de sens, du point de vue de nos concitoyens, de la promesse d’égalité républicaine. C’est tout le sens de l’Alliance des Territoires que nous défendons collectivement.

Ainsi, l’école, nous le savons, est l’outil indispensable de la cohésion nationale, et de l’égalité des chances. A cet égard, nous plaidons en faveur d’une entrée systématique de toutes les écoles en quartier politique de la ville dans la géographie prioritaire de l’Education nationale. Le succès de la mixité sociale l’exige.

Nous considérons par ailleurs nécessaire que chaque ville ayant des quartiers prioritaires dispose d’une Cité éducative. Véritables outils de coordination des acteurs de l’éducation et de la jeunesse, les Cités éducatives ont fait leurs preuves en permettant d’intensifier dans de nombreuses villes la prise en charge éducative des jeunes, du plus jeune âge jusqu’à leur insertion professionnelle.

Ces enjeux d’éducation et de vivre ensemble passent aussi par le développement d’une politique sportive ambitieuse. En cette année marquée par l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques, quid de la création de « cités sportives Héritage 2024 », sur le modèle des Cités éducatives déjà mises en œuvre ?

A la veille des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et d’une nouvelle génération de contrats de ville, il nous semble pertinent de mettre cette politique publique au cœur des stratégies locales de développement. Nous partageons des pistes de travail avec l’Agence Nationale du Sport, dont nous saluons le volontarisme en la matière, sous l’égide du Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Nous n’oublions pas que le déclencheur des émeutes a été la mort de Nahel M. à Nanterre. A rebours de toute forme d’angélisme, requestionner la doctrine policière nous semble nécessaire, au vu de la distance entre la jeunesse et la police. L’ordre républicain, la sécurité publique, constituent évidemment des préalables, attendus par les habitants de nos quartiers.

Nous alertons à nouveau quant à la grande pauvreté dont souffre une partie de nos concitoyens, la situation étant devenue de plus en plus aigüe au cours des dernières années.

L’initiative menée à Grigny et à Grand Paris Sud, dans le cadre du plan local de lutte contre la pauvreté, nous semble être remarquable et pourrait nous inspirer collectivement. Education nationale, Caisse d’Allocations familiales, Assurance Maladie se retrouvent ainsi régulièrement autour de la table avec les collectivités. Cette approche interministérielle et transversale, où l’Etat enjoint aux opérateurs sectoriels de dialoguer de manière décloisonnée avec le territoire, permet de limiter les angles morts et de mettre en œuvre les politiques publiques de manière plus pertinente, et au plus juste.

La réplicabilité de cette méthode doit être examinée et le cas échéant encouragée.

De même, la création de France Travail constitue un enjeu fort, et les priorités territoriales doivent figurer en bonne place parmi les missions de cet opérateur, eu égard aux défis d’insertion et d’emploi auxquels nos quartiers sont confrontés. Le rôle des collectivités pour l’accueil des jeunes en matière d’apprentissage doit être souligné et davantage pris en compte. Le dérèglement climatique impacte fortement nos citoyens au cœur des quartiers populaires. Nous avons aussi une préoccupation qu’en matière d’écologie, les solutions proposées par et pour ces habitants soient reconnues et soutenues par l’Etat car eux aussi ont le droit à des politiques d’adaptation au changement climatique.

Les habitants de nos quartiers veulent la République, dans toutes ses dimensions, pleine et entière.

Début octobre se tiendra un nouveau Conseil Interministériel à la Ville. Il doit à tout prix marquer une rupture quant à l’approche des politiques publiques dans nos quartiers. Nous en appelons à une véritable et vitale révolution dans le rôle et la présence de l’Etat, dans les moyens humains et matériels mis à disposition aux territoires, et une politique volontariste de mixité sociale à l’échelle de tout le territoire.

Les leviers, vous les connaissez et nous les utilisons déjà : l’école, le sport, la culture, l’engagement citoyen et solidaire, la sécurité, la prévention, la santé, les mobilités et la prise en compte de la transition écologique.

On le voit : les enjeux ne manquent pas et nous sommes prêts, dans un dialogue constructif avec l’Etat, à apporter des réponses au long cours aux causes de ces émeutes urbaines, et au profond malaise sous-jacent.

Nous sommes faiseurs de République au quotidien. Notre main demeure tendue pour travailler, proposer, expérimenter. Certes, nos quartiers cumulent toutes les fragilités, toutes les difficultés, mais ils concentrent aussi toutes les énergies, tous les espoirs et tous les savoir-faire. Nous restons convaincus qu’ils ne sont pas un problème mais qu’ils sont la solution. Ils portent une partie de l’avenir de la France.

Tribune signée par :
Damien ALLOUCH, maire d’Epinay-sous-Sénart (91)
Eddie AIT, maire de Carrières sous-Poissy (78)
Marie Hélène AMIABLE, maire de Bagneux (92)
Catherine ARENOU, maire de Chanteloup-les-Vignes (78)
Jeanne BARSEGHIAN, maire de Strasbourg (67)
Stéphane BEAUDET, maire de Courcouronnes (91)
Eric BELLOT, maire de Neuville -sur -Saône (69)
Laurent BELSOLA, maire de Port de Bouc (13)
Michel BISSON, président de Grand Paris Sud (91)
Cyrille BONNEFOY, maire de La Ricamarie (42)
Anne-Claire BOUX, adjointe à la maire de Paris (75)
Mohamed BOUDJELLABA, maire de Givors (69)
Christophe BOUILLON, maire de Barentin (76)
Agnès BOURGEAIS, maire de Rezé (44)
Jean-Jacques CANDELIER, maire de Bruille-lez-Marchiennes 59
Antonin COIS, adjoint au maire de Villejuif (94)
Jérôme COUMET, maire du 13e arrondissement de Paris (75)
Emmanuel DASSA maire de Briis-sous-Forges (91)
Guillaume DELBAR, maire de Roubaix (59)
Grégroy DOUCET, maire de Lyon (69)
Pierre GARZON, maire de Villejuif (94)
Jean-Philippe GAUTRAIS, maire de Fontenay-sous-Bois (94)
Hélène GEOFFROY, maire de Vaulx-en-Velin (69)
Patrick HADDAD, maire de Sarcelles (95)
Pierre HURMIC, maire de Bordeaux (33)
Alexandra JARDIN, adjointe au maire du 20e arrondissement (75)
André LAIGNEL, maire d’Issoudun (36)
Jeanne LAURENT, maire de Champigny sur Marne (94)
Jean-Luc LAURENT, maire du Kremlin-Bicêtre (94)
Philippe LAURENT, maire de Sceaux (92)
Line MAGNE, maire de Moissy-Cramayel (77)
Franck MARLIN maire d’Étampes (91)
Jacques JP MARTIN, maire de Nogent-sur-Marne (94)
Edouard MATT, maire d’Egly (91)
Eric PLIEZ, maire du 20ème arrondissement de Paris (75)
Luc PUECH d’ALISSAC, maire de Magny-en-Vexin (95)
Patrice LECLERC, maire de Gennevilliers (92)
Michel LEPRETRE, président de l’EPT du Grand Orly Seine Bièvre(94)
Gilles LEPROUST, maire d’Allonnes (72)
Frédéric LETURQUE, maire d’Arras (62)
Christian METAIRIE, maire d’Arcueil (94)
André MOLINO, maire de Septèmes-les-Vallons (13)
Léonore MONCOND’HUY, maire de Poitiers (86)
André MORERE, maire de St-Hilaire (31)
Joachim MOYSE, maire de St Étienne-du-Rouvray (76)
Thierry MUZETTE, maire de Sainte-Anne Saint-Priest (87)
Lamine NAHAM, maire de Trélazé (49)
Renaud PAYRE, vice-président Métropole de Lyon (69)
Laurent PEREA, maire de Saint Capraise de Lalinde (24)
Eric PIOLLE, maire de Grenoble (38)
Ali RABEH, maire de Trappes (78)
Philippe RIO, maire de Grigny (91)
Johanna ROLLAND, maire de Nantes, Présidente de Nantes Métropole (44)
Clément ROSSIGNOL PUECH, maire de Bègles 33
Eric SCHLEGEL, maire de Gournay-sur-Marne (93)
Alexis TEILLET, maire de Savigny-sur-Orge (91)
Jean-Marie VILAIN, maire de Viry-Châtillon (91)
Frédéric BADINA-SERPETTE, conseiller de Paris (75)
Sylvain RAIFAUD, conseiller de Paris (75)
Maxime SAUVAGE, premier adjoint de Paris 20ème (75)
Melody TONOLLI, conseillère de Paris (75)
Renzo SULLI, maire d’Echirolles (38)
Jean TOUZEAU, maire de Lormont (33)
Camille VIELHESCAZE, adjoint à la maire de Cachan (94)

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